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The Truffe Diaries
7 août 2017

AU BOUT DE MA VIE AU BOUT DU MONDE

 

Ce weekend avec la fanfare on était invités au Festival du Bout du Monde.

Certes pour jouer sur la place du marché des villages qui parsèment la presqu’île de Crozon et faire décoller les ventes de saucisson, mais au festival quand même.

Et d’être artiste au festival du Bout du Monde offre des avantages certains comme :

-       Des chiottes plus propres
-       Le droit de traîner dans l’espace des artistes et de guetter nos idoles à la sortie de leur loge en affectant l’indifférence pour ne pas passer pour des ploucs, mais intérieurement on trépignait comme des fans de Justin Bieber
-       Et surtout, SURTOUT : l’accès à la cantine des bénévoles avec le pinard en free flow!!
Evidemment, quand nous avons découvert ce dernier point, nous étions comme des fous furieux.

En outre nous avions à notre usage exclusif un « poisson pilote » dont la fonction était de nous trimballer d’un marché aux bestiaux lieu de concert à un autre et qui, rodé par des années d’expérience de festival et de transport de fanfares, savait nous laisser traîner à la buvette de la cantoche juste assez pour se mettre en train mais pas trop longtemps quand même pour qu’on reste en état de tenir les instruments. Son niveau d’expertise lui permettait de jauger le niveau d’alcoolémie d’un saxophoniste d’un seul coup d’œil ; on avait vraiment affaire à un professionnel. 

Nous avons joué trois fois par jour pendant deux jours, les deux premiers concerts de la journée étant dans les villages alentour du festival, et le dernier sur le site même du festival ; arrivés au sixième concert, on était rincés comme des chaussettes. Il faut dire qu’on n’économisait pas notre peine car on était bien accueillis : les mairies nous proposaient après chaque intervention un petit goûter roboratif composé principalement d’alcool. L’apothéose fut le concert à Camaret-sur-mer. Après un début difficile car la fanfare, de façon prévisible et attendue, avait démarré par une improvisation sur « le curé de Camaret », la foule a fini par se laisser conquérir et a commencé à nous suivre dans la rue, peut-être pour nous jeter des objets à la tête. Des propriétaires de bistro nous ont proposé un coup. Ca ne se refuse pas. Lorsqu’il a été l’heure de repartir pour le concert suivant, on était attablés à la rhumerie devant des ti punch et on a tout bonnement refusé d’y aller. Un clarinettiste et un saxophoniste avaient repris leurs instruments et « le curé de Camaret », et c’est là qu’on a compris que le seul endroit de France où on ne chante pas cette chanson, c’est à Camaret justement. Le poisson-pilote, voyant le conflit et les manchettes de journaux désobligeantes arriver, réussit à nous décoller des tables pour nous emmener sur le site suivant, heureusement plus calme, ce qui nous a permis de cuver notre rhum en jouant dans une cour à l’ombre devant un stand de bijoux artisanaux en liège.

Le soir du deuxième jour, on a joué un morceau en direct sur radio bleu Breizh Isel. Malgré l’acquisition d’un piccolo qui me permet de couiner deux octaves plus haut qu’avant et donc de nuire aux tympans du public de façon plus nocive, on ne m’entend toujours pas, mais au moins je m’entends (c’est un bonus intéressant comparé à la flûte, avec laquelle je ne m’entendais même pas. J’ai découvert avec le piccolo qu’en fait je jouais faux depuis le début). Mais lors du concert pour Radio Bleu, les autres musiciens dopés par l’idée de jouer pour leur mamie qui écoutait de chez elle soufflaient dans leurs binious avec un tel entrain que je ne m’entendais même plus. Je crois qu’on a eu quelques ruptures de tympans et de pacemakers au premier rang. Ensuite on était chauds cacao pour le dernier concert, et le public de festivaliers bourrés, enthousiastes et peu regardants sur les fausses notes et les défauts d’ensemble, nous fit un triomphe. Une jeune sourde vint me voir pour m’expliquer qu’elle adorait notre groupe parce qu’elle pouvait sentir la musique, ce qui en dit long sur le travail fourni par la grosse caisse et les basses. Elle tomba au sol ivre morte peu après.

On sautait partout. Un groupe de festivaliers particulièrement entreprenants faisait un mini slam assis en se passant de main en main un de leurs potes bourrés. Je faisais le moulinet avec mon piccolo (j’entendis après coup que j’avais ainsi couvert de ma bave une bonne partie de la fanfare). On cassait la baraque. Après avoir joué une bonne demi-heure de plus que ce qui était prévu, tenant à peine debout nous finîmes par déclarer forfait et battre en retraite face à une meute de festivaliers imbibés qui réclamaient une aut une aut, pour aller prendre un apéro amplement mérité.

Après l’apéro on allait voir les concerts.

J’ai eu de beaux moments de communion humaine, comme par exemple lorsque Keny Arkana était sur scène et interprétait « Nettoyage au Kärcher », et que je me trouvais au milieu de festivaliers évidemment ronds comme des boudins qui gueulaient « ooooouh *insérer ici nom de président au votre choix mais pas antérieur à 1990 sinon ils connaissent pas* enculé !! »,  levant haut leur poing de gens pas contents. J’ai eu le net sentiment qu’en première ligne des sans culotte menaçant l’Elysée on ne trouverait probablement pas ces courageux révolutionnaires de festival qui prenaient des photos avec leurs smartphones en profitant de l’excellente sono, produits l’un des terres rares exploitées par les Chinois dans des conditions douteuses[1], et l’autre de l’énergie nucléaire[2], un peu au détriment du discours alter mondialiste et environnementaliste de l’artiste me semblait-il. Elle a souligné de façon peut-être involontaire l’ironie de la situation en terminant sa chanson par les mots « un jour faudra joindre les actes à la parole quand même ».

Mais ça restait malgré tout bonne ambiance, il y avait moins de déchets au sol qu’aux Vieilles Charrues et, même si les festivaliers étaient probablement aussi saouls et partageaient le même appétit pour la miction en public, il y avait un peu plus de savoir-vivre. On savait tomber à terre raide bourré et renverser sa boisson sur les gens avec classe.

Au final on a entendu des tas d’artistes super, on a groové sur Bcuc, Boban Marcovic, Chinese Man et plein d’autres, on a eu des chiottes propres et du gros rouge qui tache à volonté. Ca vaut le coup d’être fanfaron.

Et pour vous encourager à vous lancer dans cette voie je vous laisse avec un exemple de fanfare qui sait ce qu’elle fait, elle :

#Trans2016 | La fanfare MEUTE dans le métro de Rennes - Full performance

 

 

 



[1] http://www.geo.fr/environnement/les-mots-verts/definition-terres-rares-scandium-yttrium-et-lanthanides-124433

[2] Il faut quand même reconnaître que le festival fait des efforts pour limiter son impact environnemental, même si je ne vois pas bien en quoi distribuer des pisse-debouts en carton entre dans la catégorie « développement durable »  : http://www.ouest-

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