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The Truffe Diaries
25 août 2017

GAYS TO STAY

 

GRIS

J’insère d’emblée un disclaimer : n’était ni sociologue ni activiste ni journaliste mandatée, je n’ai fait presque aucune recherche avant de produire ce texte et je livre en toute candeur mon point de vue de meuf qui n'a strictement aucune expérience des marches des fiertés. Je serai cependant intéressée d’entendre d’autres perspectives, n’hésitez pas à les partager dans les commentaires.

Adoncques.
Dimanche je suis allée voir le défilé de la gay pride de Montréal, mais ici ça s’appelle la marche des fiertés.
D’ailleurs y’avait écrit « bonne fierté » un peu partout, j’ai trouvé que ça faisait un peu « y’a bon Banania », je me suis donc gaussée du piètre niveau de la traduction française mais on m’a expliqué qu’il fallait le comprendre comme « bon Noël » ou « bonne année », du coup je me suis sentie pécore.

Je résumerai en deux mots cette marche des fiertés : familiale et commerciale. Finies les chaînes en inox autour du cou, les laisses en cuir autour des parties inavouables et les seins nus, naturels ou non, victorieusement agités du haut des chars. La promenade saturnale dans la galerie commerciale du Géant avec examen des promos au rayon électro-ménager est au tournant.

Je m’y attendais pas dans la mesure où j’avais assisté à une autre marche il y a environ 15 ans de ça à Berlin et la fraîche innocente que j’étais alors s’était pris en pleine face l’énergie et l’impénitence totale des acteurs de la parade. Y’avait du poil, du cuir, des fesses à l’air, des organes tenus en laisse et diverses parties anatomiques dressées (le poing mais pas que). La seule autre fois de ma vie où j’ai vu ça, c’était la Folsom Street Fair de San Francisco, qui est, elle, un festival SM dans lequel la présence de cuir et de balloches enserrées dans des colliers de chiens était donc prévisible et attendue. N’étant pas une participante assidue des Prides, je peux difficilement livrer une docte analyse de l’évolution des tendances, mais l’atmosphère à Montréal dimanche était complètement différente de celle à Berlin il y a 15 ans.
Bon y’avait bien quelques adeptes de doggy play représentés par des porteurs de seyants masques de chien en cuir, mais y’avait aussi pas mal de la poussette et du môme sur les épaules paternelles ou maternelles, dans le public comme dans le défilé. Les gosses se croyaient sûrement à une parade Disney, d’ailleurs la confusion était compréhensible vu que c’était bourré de princesses à dentelles et d’animaux rigolos.
Inutile de préciser que des gosses à Berlin y’a 15 ans j’en avais pas vu.
Mais comme ici, le mariage gay est légal depuis 2005, la PMA depuis 2003 et ce sans distinction d’orientation sexuelle (coucou le gouvernement Hollande), et que la GPA ne l’est pas encore (à part en Alberta et Nouvelle-Ecosse) mais enfin, elle est interdite pour tout le monde, les homos et les hétéros sont donc emmerdés pareil, les homos sont des familles moyennes comme les autres et on avait un climat de type promenade dominicale au bois de vincennes mais avec plus de couleurs chez les amateurs de footing.

rainbow

Donc dans cette atmosphère bon enfant tout à fait inoffensive, on a vu défiler non seulement des associations militantes, mais aussi des partis politiques, l'armée, des congrégations religieuses, et des entreprises, en particulier toutes les banques des alentours. 

AirCanada

On dirait qu'ici, avoir un char défilant sur la marche des fiertés n'est pas un acte militant, mais un simple gage de respectabilité. Ce ne sont plus les entreprises qui soutiennent les gays, mais les gays qui soutiennent les entreprises. C'est un peu comme du green-washing LGBTQ, du rainbow-washing en quelque sorte.

pinkwashing


Apparemment le terme consacré est « pinkwashing » mais je vois pas pourquoi une seule couleur du drapeau permettrait de plus prendre les gens pour des cons que les autres

Alors évidemment ça ne  plait pas à tout le monde et nombre de Québécois ont posté des commentaires outrés sur les réseaux sociaux pour dénoncer certaines des entreprises qui défilaient, et dont les valeurs sont en désaccord avec les leurs.
On avait un peu vu la même chose à Paris en Juin lorsque la section du parti "la république en marche" avait été interceptée par des contre-manifestants. Ici y'a pas eu d'interception, peut-être parce qu'ils ont pas l'émeute et la gueulante dans le sang comme les Français, mais le sentiment exprimé sur les réseaux sociaux était bien le même, c'est à dire : "on voit bien que vous utilisez l’image des LGBTQ pour vous acheter une respectabilité et on aime pas".
Je n'ai pas de commentaire social à offrir ici car de tous temps les relations publiques ont été un travail de pique-assiette.

Par contre, ce que je trouve magique c'est qu'on en soit rendu à un point où la marche des fiertés est devenue un sommet de respectabilité : on y amène les gosses, on y fait sa publicité pour tenter de vendre des trucs chiants pour adultes responsables comme des emprunts immobiliers ou des forfaits téléphoniques, et on y défile pour se refaire une virginité politique et faire oublier quelque pendable scandale (si Justin Trudeau a les oreilles qui sifflent c’est normal). Il manque plus que les stands de merguez et on se croirait à la fête du travail.
Alors évidemment y'a des gens qui observent une perte de la culture gay, et certains aimeraient que le milieu LGBTQ reste une contre-culture de licornes créatrices et punk qui se serrent les sabots entre elles, unies dans leur lutte contre l'oppression hétéronormative.
Mais en voyant les petits drapeaux arc-en-ciel avec le logo des plus grosses banques canadiennes distribués dimanche, il faut se rendre à une déprimante évidence : les LGBTQ peuvent, comme tout groupe social, faire les licornes fabuleuses pour chier dans les bottes d’une société homophobe, mais quand la société leur offre les mêmes droits que les hétérosexuels, ils saisissent immédiatement cette opportunité de devenir comme les autres - à savoir adultes, responsables et chiants.

C'est à mon sens la meilleure preuve si besoin était qu’il est complètement dans l'intérêt de la société en général de filer aux homos les mêmes droits qu’aux hétéros, et ce partout dans le monde; parce que ça reste la meilleure méthode pour dissoudre la résistance des licornes et en faire de bons petits poneys productifs, vu qu’une fois qu’ils se marient et font des gosses y'a toujours moyen de leur fourguer des poussettes et du crédit immobilier. 

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