L’agence (tous risques) d’immobilier
(c’est vraiment la dernière
chance)
Bon ami lecteur,
Je te souhaiterais bien
la bonne année, mais vu qu’on est déjà en Juillet que ça fait un peu trois ans
que je t’ai plus donné de nouvelles, tu vas me dire de me carrer mes voeux là
ou, comme disent les astrophysiciens, les règles du temps n’ont plus cours et
la matière elle-même cesse d’exister. Oui Charlotte, un trou noir, c’est bien,
on voit que t’as fait ingénieur fleuriste. (Et que question trou noir, tu sais
de quoi tu causes).
Donc ami lecteur,
j’aimerais bien te souhaiter la bonne année, mais j’ai un peu peur de ta réaction
à tous, donc je le fais pas. Tu observeras cette fois-ci que j’évite de te
resservir le reste des crêpes de sarrasin roulées-fourrées au saumon-crème fraîche/fines
herbes que maman n’as pas réussi a écouler a Noël malgré une campagne de
promotion très très active, ça fait donc deux mois de ça, tu vois que quand
même j’ai pris des bonnes résolutions cette année.
Alors
je te la fais courte parce que j’ai bien compris que tu as trouvé à polissonner ailleurs
et que maintenant quand tu veux des histoires cochonnes avec une photocopieuse, tu t’emmerdes plus à
venir ici, tu vas directement sur la page d’accueil d’Epson.
Vite fait, je vais quand
même te raconter que pour les vacances je suis rentrée dans ma Bretagne
profonde, et que j’ai ramené Yumika et Saiko avec moi.
Je passerai sur les
petits-déjeûners-qui soulèvent-le-coeur baguette/foie gras de Yumika et ce
moment déchirant lors du départ quand elle a essayé de toutes la force des ses
petits poings de faire rentrer dans sa valise déjà trop remplie une boite de
chocapics format colonie de vacances parce que des chocapics forts en chocolat
comme ça, on n’en fait pas au Japon. Je passerai aussi rapidement sur Saiko
quand elle a baladé son bronzage tout frais de retour d’Argentine dans ses mini
shorts en plein Décembre et qu’elle avait même pas froid, j’ai bien remarqué
que mon petit frère a bien remarqué qu’on lui voit les tatouages qui dépassent.
J’ai d’ailleurs trouvé que c’était pas de son âge et j’y ai mis drôlement le
holà en filant à Saiko un gros jupon en laine hérité de feue ma grand-mère, la
catho. A 22 ans, mon petit frère est trop jeune pour ces choses-là.
Le passage chez la Sushi
Pop a Genève, je te la fais short aussi parce que je sais que t’es un tas de
sans-cœur et que si ça se trouve t’as même oublié qui c’est, mais si tu veux
savoir maintenant elle est technico-commerciale dans une boite qui vend des
joints, oui parfaitement, faut bien bouffer comme elle dit, alors que les
jeunes se droguent à cause d’elle c’est pas son problème, de toutes façons c’est
des Suisses donc si c’est pas le problème de Pop, on se demande bien le
problème de qui ça va être. Avec les sous elle est en train de préparer une
course de ski de fond en Suède, par ailleurs. La majorité des gens se mettent
les sous au chaud sur un compte aux îles caïman afin d’avoir de quoi couler des
vieux jours paisibles au cas ou, au hasard, leur banque viendrait a perdre une
fortune dont la leur dans les subprimes et les traders ineptes. Mais sushi Pop,
qui aime vivre dangereusement, non seulement elle se fait payer en francs
suisses, mais en plus elle claque sa thune dans des courses de ski de fond en
Suède. Qu’elle vienne pas pleurer quand elle sera SDF et qu’elle se pèlera le
cul dans son carton à côté du gros jet d’eau du centre ville.
Donc voilà, je t’ai
raconté mes vacances, rapide. Mais en fait au départ j’avais deux sujets de
fond de slip dont j’aurais voulu t’entretenir, pour la nouvelle année.
Et attention, les deux
c’est du balèze hein. Du vrai sujet d’article de fond pour journal engagé,
genre Podium magazine voire même Chasse, Pêche et Tradition.
Je te balance le premier,
tu vas voir que je déconne pas :
le racimse au japon.
(tanlanlan)
Tu vas me dire, ben tiens, parle-moi de la
neige en Suède tant que t’y es, ou bien de la liposuccion et Missy Elliot. Oui
je sais que c’est pas franchement de la breaking news, mais ça n’empêche pas
que pour une fois que je peux la ramener sur un sujet connu en commençant mes
phrases par « j’y étais, j’ai tout vu », tu penses si je vais me
priver.
Pour la liposuccion et
Missy Elliot bizarrement j’avais moins de témoignages a t’offrir, donc on va
faire avec ce que j’ai, et ce que j’ai pour le moment c’est le racimse au
Japon, donc.
Mise en situation :
Quand par exemple tu vas
dans une agence d’immobilier voir ce qu’ils ont comme appart, parce que c’est
pas tout ça mais Yumika se barre en Avril pour habiter au fin fond du trou noir
de la banlieue d’Alpha du Centaure, et que tu penses que t’es encore un peu
jeune pour aller t’enterrer a 1 heure en RER de toute civilisation, donc tu
t’actives pour trouver un appart dans un quartier encore a peu près
branchouille, en te disant qu’il faudra supporter les cons de yuppies comme
voisins si tu veux avoir un PMU où aller boire ton ballon de rouge le dimanche soir.
Bon donc moi et ma bonne copine Kim-san, Coréenne de son état, nous rendons
dans une agence avec le projet audacieux d’y dégotter le nouvel appart de notre
colocation à venir. Ben oui ch’ten fous, à peine avions-nous jeté notre dévolu
sur une turne trois pièces à l’aspect prometteur et avions-nous demandé la
permission de la visiter, que le loufiat revenait d’une conversation téléphonique
avec le propriétaire pour dire, d’un air pas spécialement contrit parce que
bon, c’est pas sa faute non plus, hein, il décide pas : “désolé, cet appartement
n’est pas accessible aux étrangers.” Evidemment, d’indignation je manque de
faire sauter le noeud papillon de mon string et je fais remarquer à voix très
haute à Kim-san, qui reste remarquablement calme, qu’en France on pourrait
faire un procès pour ce genre de diffamation ouverte. Le visage du loufiat exprime
alors d’une manière presque audible la suggestion : “t’as qu’à y retourner, en
France.” Kim-san ajoute alors avec flegme qu’encore j’ai de la chance, j’aurais
pu être Chinoise ou pire, noire (le fond du fond de la lie de la race humaine étant
probablement incarne par les Chinois noirs). Parce que apparemment dans ces
cas-là, si tu veux te trouver un logement un peu plus élaboré que quatre pièces
de carton devant l’entrée de la gare d’Ikebukuro, il faut salement banquer. Bien
décidées à ne pas lâcher un seul de nos picaillons durement gagnés à des goujats
racimstes, nous résolûmes[1] de rester dans l’appartement qu’elle occupe, pour nous entendre dire par le
propriétaire qu’il allait falloir compter dessus et boire de l’eau claire ma
grosse, eut état à que je suis Française et que Kim est Coréenne.
Y a eu aussi la collègue
de travail l’autre jour qui m’a aimablement enjointe à “rentrer dans mon pays”,
mais là c’était sûrement affectueux. Y a aussi tous les Japonais d’un certain âge
qui, quand ils rentrent dans le rade où j’ai mes habitudes, commencent par
tomber en arrêt en s’écriant “ah! Une étrangère!” et par ensuite tenter de me
parler en anglais. Si je suis de disposition urbaine et que je réponds en
japonais, ils tombent à nouveau en arrêt devant ce prodige de la nature : une
étrangère qui parle japonais dis-donc, avec nos neurones différemment connectes
et notre matière grise foncièrement inférieure en qualité, il aurait pas cru
qu’on puisse. En général le même genre de personnage passé trois verres
commence à vouloir essayer de me palper les seins, affectueusement bien sûr, faut
pas y voir malice.
Tu le vois, ami lecteur, contrairement à ce qu’Amélie Nothomb a bien pu raconter, le people japonais est dans son ensemble accueillant, ouvert d’esprit, et attentif à ne pas heurter les sensibilités étrangères. Qu’on vienne pas me dire que les étrangers n’y sont pas bien accueillis surtout. Surtout les Chinois, les noirs et les filles avec des gros seins.
Bon là ça commence à
sentir la conclusion, là tu attends la vanne de fin ou peut-être un jeu de mots
pourri pour pouvoir aller pisser…
SAUF QUE.
Tout ça nous amène au
DEUXIEME sujet (tu auras tous remarqué que je reprends mes bonnes habitudes de
la note à tiroir).
Mon deuxième sujet chaud
chaud bouillant c’est : la portel’immobilimse l’immobilier à Tokyo. Si tu as un
sens de l’humour qui ne sort pas souvent du caniveau, voire du ruisseau tout au
fond d’ycelui, et si comme moi tu as eu l’occasion de regarder Groland, tu sais
que la crise de l’immobilier, ça consiste principalement à se faire enculer (plus
ou moins littéralement) par des agents immobiliers qui te feront payer la peau
des couilles plus celle des implants de ta femme pour un taudis. Bon, certes y
a pas de crise d’immobilier à Tokyo, et les loyers sont à peu près équivalents
à Paris ce qui est indigne mais encore supportable, cependant sois rassuré ami
lecteur, les agents immobiliers arrivent quand même bien à t’enculer malgré
tout. Dans le paragraphe précédent nous avons observé que la coloc avec une
autre étrangère, c’est pas kosher. Je tente donc un
nouveau subterfuge : la coloc avec Saiko. Là aussi, moyen glop. L’idée que deux personnes non enchaînées par les
liens sacrés du mariage veuillent emménager ensemble, et dans DEUX chambres séparées
en plus, ça défrise beaucoup d’agents immobiliers. Saiko, impatientée, finit
par leur promettre d’hypothéquer sa mère en guise de garantie. Les agents
immobiliers, qui ne prennent ni les collocations ni les PACS, mais qui prennent
les hypothèques sur les membres de la famille proche, acceptèrent son offre
avec soulagement. Nous allâmes donc d’un pas alerte visiter ce qu’il nous
recommandait comme l’affaire du siècle. Je fus un peu
surprise de voir que l’agent ne nous accompagnait pas et me demandai comment on
allait faire pour ouvrir
Une fois La Clef arrachée
de haute lutte au chauffage central et ses mygales gardiennes, donc, nous pûmes
ouvrir la porte, et entrer dans l’appartement sans que qui que ce soit ne nous
défie en combat singulier pour avoir le droit de franchir le seuil, ce qui me
déçut un peu. Nous vîmes enfin cette fameuse affaire. C’en était effectivement
une, si ce n’est que l’appart était un peu cher, un peu petit, un peu sombre
et, au final, un peu loin de tout. A part ces menus détails une affaire il te
dit le monsieur.
Inutile de te dire
qu’arrivé à ce point, tu es désespéré, très en colère contre le monde entier,
que tu es bien conscient que le monsieur de l’agence est en train d’essayer de
t’enculer à sec, et que la seule agence à laquelle tu veux avoir affaire c’est
celle-là :
Comme apparemment ces
cons-là veulent bien sauver les jeunes filles en détresse des guerilleros et
des maffieux, mais que le monde cruel de l’immobilier tokyoïte fait reculer
même Barracuda, on a dû se démerder comme on a pu, c'est-à-dire sans eux mais avec une autre
agence, dont la petite nénette ne payait pas de mine, mais elle a fait rendre
gorge au téléphone à plus d’un propriétaire qui refusait les étrangers. C’était un peu notre
pit-bull à nous, on a remercié sainte Moustache de l’avoir mise sur notre
chemin.
Comme en cours de conception du projet Jasmine, une Australienne, vint
se greffer chaotiquement dans le rôle de colocataire supplémentaire, il fallait
revoir nos ambitions spatiales à la hausse. Pour la suite on tapa donc carrément
dans les maisons.
Nous en vîmes une de
bien, avec la clef planquée derrière le compteur électrique, des tatamis, trois
chambres et un jardin, dans un bled qui commençait à se rapprocher du trou du
cul du monde, mais a une distance raisonnable. Les 20 minutes de marche entre
la station de métro et la maison dans le froid furent déchirantes, plus d’une
fois Saiko dût m’empoigner pour m’empêcher de fuir en pleurnichant pour me réfugier
dans les couloirs malodorants mais bien chauffes du métro de Tokyo. Arrivées à
la maison, il faisait bien entendu nuit. Armées de nos téléphones portables et
de nos fidèles briquets, nous visitâmes donc la maison plongée dans l’obscurité.
A part le fait que les tatamis ne puaient pas le moisi, ce qui est toujours bon
signe, nos observations furent relativement pauvres. Ah si : je remarquai qu’il
s’agissait de la station de métro de mon sensei d’aikido, le pas gentil de la
paire, pas le gros nounours, l’autre, celui qui, lorsqu’il te jette sur les
tatamis, en tire des bruits de qui ne sont pas sans rappeler le claquement de
la pâte à pizza en train de se faire violemment aplatir par un pizzaiolo sous
stéroides. Je sais pas pourquoi mais je flippe un peu à l’idée de tomber sur
lui au supermarché un dimanche matin quand j’aurai la gueule de bois et mes
pantalons de pyjama qui baillent sur le cul.
Putain s’il faut que je
mette un smoking pour aller m’acheter trois asperges et deux yaourts bio le
dimanche matin, je sens que ma vie va prendre un tour stressant.
[1] Si je te jure, j’ai vérifié. Le passé simple de
résoudre c’est résolûmes. Comme moudre c’est moulûmes, et découdre decoulûmes.
Ah heureusement que je suis là pour t’aider à gagner au scrabble hein.
[2] La vie du chat qu’il me reste, ce truc existe. “l’argent de la clef”, que ça s’appelle. Un
paiement qui n’est justifié par aucun frais pour le propriétaire, puisque la
clef est la même que pour le locataire précédent. Mais ça lui fait deux mois de
loyer en cadeau, comme ça, bonus, parce qu’on est copains.